«Le Covid-19 est beaucoup moins mortel que la grippe»; «J’ai largement gagné l’élection»: ces affirmations de Trump illustrent son état d’esprit. Quand la réalité n’est pas conforme à ce qu’il s’est imaginé, il la remplace par une autre, il plaque sur l’événement un «fait alternatif». Il proclame que le réel est faux s’il ne correspond pas à l’idée qu’il en a. Trump pousse ainsi au paroxysme et jusqu’à la caricature l’idéalisme au sens philosophique pour lequel l’idée l’emporte sur la chose concrète. On traite le président de menteur. Je crois plutôt qu’il se persuade d’une «vérité» différente en se la répétant comme un mantra. D’où lui vient ce comportement?
Trump fut marqué par la personnalité charismatique du pasteur et psychologue Norman Vincent Peale (1898-1993), auteur du best-seller La puissance de la pensée positive. «Il était le plus grand des hommes», dit de lui Trump qui l’a souvent fréquenté après avoir écouté avec passion ses sermons à New York. J’ai moi aussi aimé l’ouvrage de Peale que j’ai recommandé naguère à mes amis et que je viens de relire. Trump s’est inspiré de la vision de Peale, mais en la forçant à l’extrême jusqu’au déni de réalité, ce que se garde bien de préconiser le pasteur.
Que dit Peale? Son premier principe s’énonce ainsi: «Ancrez définitivement dans votre esprit une image de vous-même, couronné par la réussite. Que cette image ne pâlisse jamais. Ne pensez jamais à vous-même dans le rôle du vaincu.»
Peale conseille de visualiser cette image et de se représenter soi-même à l’avance dans une situation favorable. Fort de ce précepte, Trump a construit sa légende personnelle: mentalement, virtuellement à la télévision puis dans le monde réel à la Maison-Blanche. Mais sa pensée positive, gonflée par son narcissisme, a fini par le déconnecter de la réalité et par l’enfermer dans une bulle.
Peale écrit aussi ceci: «Les attitudes importent plus que les faits. La confiance et l’optimisme ont le pouvoir de modifier les circonstances.» On peut interpréter ces mots à la manière de Trump: si le fait s’écarte trop de mon attente, je lui oppose la «vérité alternative» de ma pensée positive boostée par ma confiance en Moi. Le réel se plie à ma volonté. Mais telle n’est sans doute pas l’intention de Peale. Il veut simplement dire ici qu’il faut prendre une situation par le bon côté, aussi décevante soit-elle. On ne peut pas changer ce qui est arrivé! Trump devrait adopter la posture de la résilience et se projeter positivement dans l’avenir en créant par exemple un nouveau média ou en escomptant se représenter en 2024.
Trump, c’est la pensée positive devenue folle et qui ne sait pas lâcher prise au moment où les événements lui donnent tort. Grisé par ses exploits dans la téléréalité, il est tombé dans la confusion des réalités, persuadé qu’il peut agir à sa guise dans le monde réel comme dans le virtuel. Et le pire est qu’il entraîne beaucoup de ses fans dans son délire.
Jacques de Coulon
Article paru dans La Liberté