L’obligation vaccinale d’après Kant

Un sondage SSR nous apprend que plus d’un tiers des Suisses refusent le vaccin: 25% y sont réfractaires et 12% veulent attendre (LL du 10.7). Cette situation n’est pas acceptable. D’où ces questions: faut-il continuer à préconiser la liberté de choix? La vaccination doit-elle devenir obligatoire pour certaines personnes comme les soignants? Serait-il judicieux d’obliger tout le monde à se faire vacciner? Pour y répondre, nous nous tournerons vers Kant et son impératif catégorique s’énonçant ainsi: «Agis d’après la maxime qui fait que tu peux vouloir en même temps qu’elle devienne une loi universelle.» En d’autres termes, mon comportement est-il valable pour tous?

J’ai croisé plusieurs personnes tenant ces propos: «J’attends l’immunité collective et j’éviterai le vaccin.» Cette attitude égoïste s’oppose évidemment à l’impératif de Kant. Si tout le monde réagissait ainsi (universalisation), la pandémie flamberait et nous serions confinés dans un enfer de coercitions. La «liberté» de se faire vacciner ou non est incompatible avec l’éthique kantienne pour trois raisons: elle menace la liberté générale des citoyens, elle risque de créer des discriminations et peut rendre le vaccin inopérant par le développement de variants. Laisser les individus libres face à la vaccination menacerait paradoxalement la liberté de tous. L’immunité collective ne serait pas atteinte vu la virulence des variants. Les autorités prendraient à nouveau des mesures sanitaires comme la fermeture des lieux publics ou les restrictions de déplacements.

Sommes-nous prêts à revivre sous un tel régime et à ne pas en sortir parce qu’une minorité refuse le vaccin? D’où la nécessité d’une contrainte vaccinale qui est en réalité au service de la liberté. Faut-il alors forcer certaines professions à se faire vacciner? On n’accéderait toujours pas à l’immunité collective. Et cette obligation créerait des discriminations entre citoyens. Elle stigmatiserait notamment les soignants qui se sont tant dévoués ces derniers mois. Et qui inclure dans ce devoir vaccinal? Le personnel de santé, les enseignants, les vendeurs? Où s’arrêter? Cette société à deux vitesses serait contraire à l’universalisme de Kant supposant l’égalité face aux lois.

Enfin, la liberté de vaccination mettrait en péril la vaccination elle-même. A force de circuler, le virus produirait toujours davantage de variants au point que l’un d’eux finirait immanquablement par résister aux vaccins. On ne peut pas prôner la liberté vaccinale car, en généralisant ce choix libre, ce serait le principe même de la vaccination qui serait rendu obsolète. L’éthique de Kant implique une obligation de vaccin pour tous. Et qu’on cesse de brandir des arguments complotistes sur les pharmas ou une «dictature sanitaire»! Quant à la liberté individuelle, elle s’arrête là où commence celle de tous. Telle est la règle de la coexistence des libertés à la base de nos démocraties.

Jacques de Coulon

Article paru dans La Liberté

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