Le virus des infos anxiogènes

Pour Epictète, « toute chose a deux prises : l’une par laquelle on peut la porter, l’autre par où on ne le peut pas. » On nous présente le plus souvent le côté négatif des informations, en se focalisant sur les plus alarmantes si bien que nous ne sommes guère à même de les « porter ». En ces temps de pandémie et de terrorisme, les actualités ressemblent de plus en plus à un carnet noir. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder la mine des virologues ou autres experts égrenant chaque soir leurs chiffres macabres. On a tendance à voir le verre à moitié vide plutôt qu’à demi plein. D’où un climat déprimant qui nous paralyse.

Un exemple parmi d’autres de ce « biais négatif » vécu le 16 septembre à 12h30, où ce titre angoissant s’affiche sur mon iPhone : « La barre des 500 nouveaux cas de Covid franchie à nouveau ! » Troublé par cette annonce, je mange un peu crispé avant de lire tout le texte après le repas. À la fin, il est écrit que, sur l’ensemble des tests effectués les dernières 24 heures, « la proportion de résultats positifs atteint 2,9 % ». Et l’on ajoute entre parenthèses : « Contre 3,8 % sur la moyenne des 7 derniers jours ». Ouf ! il y a en fait progrès même si le titre suggère l’inverse.

Ce ne sont pas des fake news mais la manchette biaise l’information en se fixant sur son versant sombre, plus difficile à gravir. Pourquoi cette insistance sur le négatif ? Parce que nous sommes plus sensibles aux mauvaises nouvelles qu’aux bonnes. Les catastrophes attirent l’attention du cerveau, davantage réceptif aux signaux d’alerte, comme il l’a appris pour survivre au cours de l’évolution. Les médias l’ont bien compris : ce sont les calamités qui font vendre. Pas les trains qui arrivent à l’heure !

On parle beaucoup de pollution de l’air mais s’inquiète-t-on de celle des esprits bombardés de messages anxiogènes qui sapent le moral ? « Les gens sont plus agressifs que d’habitude ; l’anxiété les plombe » affirme une amie parisienne en ajoutant : « Ils vivent dans les passions tristes ». La peur attisée par les pouvoirs publics se transforme fréquemment en agressivité et en colère. Pour reprendre l’image de Platon, ne sommes-nous pas des prisonniers enchaînés dans une caverne en train de regarder un jeu d’ombres sur le mur du fond « projetées par d’habiles marionnettistes » en train de nous manipuler ?

Comment réagir ? Il ne s’agit pas de tomber dans un optimisme béat en occultant le négatif mais bien d’apprendre à empoigner la situation par le bon bout, quitte à demeurer dans un pessimisme lucide. Dans ce but, les Stoïciens prônaient une double démarche : d’abord prendre de la distance pour voir l’ensemble des circonstances (regard de l’aigle) ; ensuite se pencher sur le côté positif grâce auquel on pourra y faire face. N’est-ce pas ce qu’il faudrait enseigner en priorité à nos élèves avant de leur mettre un écran entre les mains à longueur de journée ? Gérer l’information : tel est le grand défi éducatif !

Jacques de Coulon

Article paru dans La Liberté

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