Le déracinement : tel est le sentiment éprouvé par une part croissante de la population européenne face à la mondialisation et à l’afflux massif de migrants souvent musulmans. Or tout être humain, dit Simone Weil, a besoin d’avoir « une racine par sa participation à une collectivité qui conserve vivants certains trésors du passé et certains pressentiments d’avenir. » N’est-ce pas le rôle d’une nation, du latin « nasci », naître ? Par son cadre de vie, elle permet de naître à soi-même et au monde. Les oiseaux grandissent dans un nid avant de pouvoir s’envoler vers des horizons plus larges. De même les humains se développent dans la matrice d’une mère patrie, avant de s’ouvrir à d’autres perspectives. Loin de s’opposer, le patriotisme et la conscience planétaire sont complémentaires. On devient citoyen du monde en commençant par aimer son pays.
Aujourd’hui la nation est de plus en plus snobée par nos élites bien-pensantes au profit d’un hypermarché sans frontières et d’une bouillie multiculturelle mondialisée. Les grands partis sont en perte de vitesse pour avoir négligé la question de l’identité. On comprend que les électeurs se tournent vers les droites nationalistes : FN en France, FPÖ en Autriche, UDC en Suisse… Sans les mettre dans le même panier, ces partis ont pour point commun d’insister tous sur l’identité nationale. Deux causes expliquent la sensation actuelle de déracinement : l’effacement des nations dans le magma du mercantilisme mondialisé et la croissance de l’islam politique. La mondialisation économique, avec son cortège de délocalisations, déchire le tissu social et provoque le chômage. La finance internationale mène le monde, les multinationales se révélant plus puissantes que les instances nationales. Nous voici dominés par une « overclass » mondiale, sans attache particulière à un pays sinon à celui dont les coûts sont les plus bas. Simone Weil nommait ce danger dès 1948: « Le pouvoir de l’argent et la domination économique peuvent imposer une influence étrangère au point de provoquer la maladie du déracinement. »
Nos dirigeants ne se couchent pas seulement devant la finance. Ils rampent aussi devant l’islam, soit au nom d’intérêts économiques comme François Hollande se courbant devant les régimes du Golfe pour vendre ses avions, soit par idéologie du brassage des cultures. Emblématiques sont les propos de Pierre Moscovici, commissaire européen à l’économie : « Je ne crois pas aux racines chrétiennes de l’Europe » déclarait-il le 8 mai comme si ce thème était une affaire de croyance et non un fait. Ce déni de réalité montre qu’il se situe sur un terrain idéologique : il faut rejeter notre origine chrétienne pour ne pas froisser les musulmans, voire en vue d’intégrer un jour la Turquie à l’Europe. Cette Turquie dont le Président Erdogan se permet de tancer la police française pour ses interventions musclées contre les manifestants ! Même l’écrivain Ernest Renan, condamné en son temps par l’Eglise, reconnaît nos racines chrétiennes en citant le Christ : « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu. Mot profond qui a fondé la séparation du spirituel et du temporel et posé la base de la vraie civilisation. » La laïcité est fille du christianisme mais pas de l’islam poursuit Renan dans son discours au Collège de France en 1869 avec ces mots très durs : « L’islamisme n’est pas seulement une religion d’Etat, c’est la religion excluant l’Etat. L’islam est la plus complète négation de l’Europe. » Il appartient aux musulmans d’aujourd’hui de nous montrer le contraire.
La droite identitaire a raison de défendre nos nations et nos racines chrétiennes. Mais elle oublie que le Christ lui-même s’est identifié à l’étranger démuni (Mt, 25). Défendre le christianisme et la laïcité, c’est bien. Mais accueillir le réfugié sans abri, c’est tout aussi essentiel. À condition qu’il adopte notre mode de vie démocratique sans nous imposer ses normes religieuses.
Jacques de Coulon
Paru dans La Liberté du 13 juin 2016