Faut-il interdire les crèches de Noël ?

creche_redimensionnerEn France, le Tribunal de Nantes a obligé le Conseil général de Vendée d’enlever la crèche de Noël de ses locaux. À Béziers, c’est le maire qui résiste à une injonction du préfet lui intimant de retirer la crèche de sa mairie. Pourquoi ces interdictions ? Les autorités invoquent le principe de laïcité inscrit dans la loi de 1905 sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat qui proscrit les objets de culte dans les espaces publics. Mais les crèches sont-elles d’ordre cultuel ou culturel ? Incitent-elles à un culte ou font-elles partie de notre patrimoine culturel qui s’enracine dans le christianisme ? Pensons aux cathédrales ou aux sonates de Bach. Personne ne songerait à évacuer ces chefs-d’œuvre artistiques au nom de la laïcité.

D’ailleurs les Français ne s’y trompent pas : selon un sondage Ifop, 71% sont pour la présence de crèches dans les espaces publics et l’on trouve même une majorité de « sans religion » qui les acceptent ! Les crèches de Noël sont d’abord perçues comme un bien culturel à préserver. La laïcité brandie par nos élites a bon dos. Sous son étendard se cachent en fait les apôtres d’un multiculturalisme prônant la stricte égalité de traitement entre les traditions. Les crèches rappelant nos racines chrétiennes ne risquent-elles pas de choquer d’autres croyants arrivés plus récemment en Europe, notamment les musulmans ? C’est ce que suggère la remarque de l’Observatoire de la laïcité qui s’interroge en ces termes : « Le Conseil général de Vendée qui défend la crèche aurait-il eu la même attitude vis-à-vis de l’islam devenu la deuxième religion de France ? » L’islam doit être traité de manière parfaitement égale au christianisme.

Si l’on pousse jusqu’au bout ce dogme de l’égalité, il faudrait placer une mosquée à côté de chaque église ou alors raser tous les clochers. Quant à la fête de saint Nicolas susceptible d’offusquer les non chrétiens, il conviendrait de la supprimer ou, mieux, de faire suivre le discours de l’évêque de Myre par le prêche d’un dignitaire musulman. Au nom de l’équité entre les cultures ! Remarquons que cette année, notre malicieux saint Nicolas a déjà pris les devants : n’a-t-il pas revendiqué sa « turquitude » privilégiant ainsi le lieu musulman actuel de sa naissance par rapport à ses origines grecques et chrétiennes qui sont aussi celles de l’Europe ?

Nos maîtres penseurs et censeurs exaltent le respect de l’autre jusqu’à la haine de soi. L’ouverture aux diverses cultures aboutit in fine à l’aplatissement de la nôtre qui se mélange dans un magma interculturel et mondialisé, soupe insipide comestible pour le grand marché. Jean-Paul Brighelli l’exprime très bien dans « Le Point » : « On interdit une crèche pour égaliser toutes les religions. La France est soluble dans le multiculturalisme. Soluble et bientôt dissoute. »

Faut-il promouvoir le multiculturalisme ou au contraire l’ancrage de l’Europe dans la culture grecque et chrétienne ? Je refuse cette alternative. Le multiculturalisme des ennemis de la crèche de Noël n’est qu’une caricature perverse du rapport entre les cultures. On peut tout à fait garder ses racines tout en s’ouvrant à d’autres traditions. Je dirais même plus : c’est en conservant ses racines qu’on dialoguera le mieux avec l’autre et non en les reniant. Le vrai multiculturalisme n’est pas une plate égalité entre les cultures qui nivelle tout en asséchant les racines et en faisant dépérir l’arbre d’une civilisation. Or ici en Europe, qu’on le veuille ou non, nos racines s’appellent Athènes et Jérusalem. Elles nourrissent le tronc de notre arbre qui peut alors intégrer des branches provenant d’autres cultures. Bref, sans une préférence explicite pour nos origines – une crèche et non un modèle réduit de mosquée dans nos édifices publics – , nous courons vers le déracinement. Tout en poussant le bon peuple qui défend à juste titre son identité dans les bras du Front national ou de l’UDC.

Joyeux Noël à toutes et à tous.

Jacques de Coulon

Paru dans La Liberté en décembre 2014

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