« La femme est l’avenir de l’homme » chante Jean Ferrat. De ce point de vue, un gouvernement ou une liste électorale ne comportant aucune femme n’a pas d’avenir. Je ne suis ni un féministe à tous crins ni un partisan d’une parité automatique entre hommes et femmes : la compétence doit primer sur le sexe. Mais quand je vois une absence totale de femmes sur la liste de la coalition bourgeoise pour le Conseil d’Etat, je suis abasourdi. Six hommes pour six candidatures ! Trop, c’est trop ! Que trois grands partis cantonaux formant une vaste alliance de droite soient incapables de présenter une seule femme me laisse pantois. Et qu’on ne vienne pas me dire qu’aucune femme n’est intéressée « pour des raisons familiales ou professionnelles » comme l’écrit Anthony Marchand, un représentant de l’Entente ! (LL du 4 mai). Sans tomber dans des stéréotypes grossiers, il faut ici répondre à ces questions : qu’est-ce que la féminité et qu’apportent les femmes dans la conduite du bien public ?
Je me tournerai d’abord vers le philosophe Emmanuel Levinas. Pour lui, le féminin est la figure de l’altérité. « Le féminin est autre par rapport au masculin, écrit-il, non seulement parce que de nature différente mais aussi en tant que l’altérité est sa nature. » La femme nous révèle un autre regard sur le monde comme une autre approche dans la manière de gouverner. En se passant d’elle et en restant entre hommes, on risque fort de mariner dans une même huile à la testostérone. Oui mais concrètement ? Levinas parle de douceur et d’accueil. La féminité se produit « comme une douceur qui se répand sur la face des choses ». Et le philosophe de préciser que la femme est « une présence à partir de laquelle s’accomplit l’accueil hospitalier par excellence. » Elle rend le monde habitable. Sans elle, la politique deviendrait plus agressive et plus dure, notamment envers les plus démunis. Les guerres ne sont-elles pas avant tout une affaire d’hommes ? Enfin, la femme porte dans ses entrailles le futur de l’humanité. Elle est ainsi naturellement tournée vers l’avenir et davantage portée à la sauvegarde de l’environnement pour les générations qui la suivront. Dans ce sens, elle est bel et bien l’avenir de l’homme.
La politologue suisse Thanh-Huyen Ballmer-Cao corrobore ces propos : « Les femmes ont un autre style en politique, dit-elle. Elles ont une approche plus globale et à plus long terme. Elles ont aussi permis d’inscrire de nouveaux thèmes dans l’agenda politique, comme les crèches ou le sort des personnes âgées. » En France, la députée de gauche Sylvia Pinel souligne que « les femmes s’invectivent moins. S’il y avait plus de femmes à l’Assemblée, il y aurait plus de respect et d’écoute. » Plusieurs élus jugent que les femmes sont moins avides de pouvoir et cumulent moins les fonctions. C’est une figure de la droite, le député Guy Geoffroy qui résume le mieux ce rôle essentiel des femmes. « Elles sont des éléments d’équilibre et elles ont apporté incontestablement une qualité de vie au travail » affirme ce gaulliste. Tout est dit.
J’ai remarqué que les femmes forment la grande majorité du public des conférences sur la spiritualité ou des séminaires de méditation. L’écrivain Slobodan Despot, par ailleurs conseiller d’Oskar Freysinger, fait le même constat pour ses rencontres littéraires : une surreprésentation féminine. « Que font vos maris pendant que vous venez me rencontrer ? » a-t-il demandé à ses lectrices. « Ils regardent le foot ou parlent politique. » Comme si la politique était réservée aux hommes et la littérature ou la spiritualité aux femmes ! Puissent ces deux mondes se rencontrer ! Et pourquoi ne pas étoffer une liste masculine en y ajoutant notamment des femmes afin que l’électeur ait un véritable choix ? Mais les considérations tactiques, à droite comme à gauche, frisent parfois le déni de démocratie en verrouillant les options. Nos fins stratèges manquent alors de finesse envers la gent féminine.
Jacques de Coulon
Paru dans la Liberté du 10 mai 2016