Crèches : nos enfants trahis par les politiques

crécheQuelle mouche a donc piqué nos politiciens ? Faire des économies ? Sans doute mais pas sur le dos des plus petits. J’apprends avec consternation que la Direction de la santé et des affaires sociales s’apprête à péjorer les conditions d’accueil de nos enfants en s’en prenant aux crèches (LL du 3 novembre). Les nouvelles directives visent un « abaissement du nombre du personnel d’encadrement ». Concrètement, on augmentera de six à sept les enfants par éducatrice et, pour mieux diminuer les postes de travail, on comptera désormais dans les effectifs les apprenties mineures. Une aberration : ces jeunes sont en formation, à charge des éducatrices, et ne sauraient entrer dans la même catégorie que ces dernières. Que dirait-on si dans l’enseignement secondaire, on comptait les stagiaires dans le corps enseignant pour supprimer des postes ?

Qui signe ces directives ? Une Conseillère d’Etat socialiste. Et moi qui croyais naïvement que la classe politique, notamment les femmes de gauche, soutenaient les crèches en refusant de les sacrifier sur l’autel des mesures d’austérité. Le degré de civilisation se mesure à la façon dont les enfants sont traités. « Si vous pensez que l’éducation coûte trop cher, essayez l’ignorance » ironise Lincoln. C’est hélas ce que pensent nos politiciens qui veulent économiser sur la petite enfance. En alourdissant les tâches, c’est le gardiennage qu’ils veulent essayer, comme si nos bambins étaient des moutons à surveiller dans un parc humain. Nietzsche se retourne dans sa tombe. Pour lui, l’éducation consiste à faire sortir l’enfant du troupeau pour qu’il devienne ce qu’il est en jouant sa propre note dans le concert de l’humanité. Si vous le laissez à lui-même, il ne sera jamais lui-même. Cela suppose un minimum de temps éducatif individualisé. Les nouvelles directives vont dans le sens opposé.

Ces mesures quantitatives portent préjudice à l’enfant au moment-même où tout est mis en œuvre pour son plein épanouissement. Sa place devient centrale dans nos sociétés à faible taux de natalité. Il est d’autant plus précieux qu’il se fait rare. Le voici choyé comme la prunelle de nos yeux. Pourquoi affaiblir les structures d’accueil à l’heure où les exigences éducatives augmentent ? Nous voici en pleine contradiction. Mais allez le faire comprendre à des politiciens pour qui la pensée se limite à moins dépenser, fût-ce au détriment de nos chers petits !

Nos décideurs savent-ils que les crèches ne sont plus de simples garderies et que le métier d’éducatrice de la petite enfance s’est complexifié au fil des ans ? L’éducatrice accomplit des tâches multiples : intendance, prise en charge, planification mais aussi activités pédagogiques comme le bricolage, le chant, les jeux et même une introduction à la lecture. Sans compter le temps consacré à chaque enfant personnellement. Tout cela pour un salaire bien bas. « On est déjà au maximum de ce qu’on peut demander » m’affirme une directrice de crèche qui ajoute : « Mais là, on veut l’impossible. Mes éducatrices devraient se transformer en déesses indiennes avec plusieurs paires de bras et d’yeux. » L’application des nouvelles directives casserait le beau métier des éducatrices. Soit elles continueraient à faire correctement leur travail au risque d’exploser en vol, soit elles se mueraient en gardiennes. À l’impossible, nul n’est tenu.

On cherche aussi à faire venir des entreprises par un allègement fiscal, ce qui est l’une des causes des mesures d’économie. Mais les entreprises susceptibles de venir à Fribourg veulent de bonnes structures d’accueil pour les enfants de leurs collaborateurs. Dans cette perspective, en affaiblissant les crèches, on se marque un « bel » auto-goal. Bref, tous les partis devraient se dresser comme un seul homme contre ces directives. Pour conclure, cette supplique à Madame Demierre et à ses collègues du Conseil d’Etat : de grâce, à l’approche de Noël, arrêtez de tirer sur nos crèches !

Jacques de Coulon

Paru dans La Liberté du 25 novembre 2015

 

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