Accueil : ne pas se voiler la face

520dfc066J’ai passé ma jeunesse au Moyen-Orient. À l’époque, notamment en Syrie et en Irak, les minorités vivaient en paix sous un régime certes autoritaire, mais laïque. Les communautés chrétiennes étaient florissantes. Aujourd’hui les fous d’Allah veulent tout uniformiser sous leur férule en expurgeant ces contrées de ceux qui ne partagent pas leur foi et en créant un califat sunnite. Des têtes sont coupées et des populations entières prennent le chemin de l’exil. Or la diversité culturelle et religieuse de cette région, berceau des trois monothéismes, ne devrait-elle pas être absolument sauvegardée ? Si oui, est-ce en favorisant l’immigration en Europe d’un maximum de réfugiés que nous y contribuerons ? Certainement pas.

Oui, comme tout être humain digne de ce nom, j’ai été bouleversé par l’image du petit Aylan, cet enfant mort échoué sur une plage turque, symbole de notre échec retentissant en Syrie. Oui, nous devons prendre en charge les plus démunis et ne pas rester les bras croisés en fermant notre cœur devant une telle tragédie. Oui, le Christ a bel et bien dit : « J’étais étranger et vous m’avez accueilli. (…). Tout ce que vous avez fait au plus petit d’entre les hommes, c’est à moi que vous l’avez fait. » (Mt, 25). Oui, je salue l’élan de solidarité qui secoue notre vieille Europe. Ainsi parle ma conscience qui, comme le prophète perse Zarathoustra, croit discerner clairement le bien du mal.

Mais en repensant au Proche-Orient multiculturel de mon adolescence et face à l’unanimité médiatique des bons sentiments sur l’accueil, un doute politiquement incorrect me taraude. Et si nous faisions le jeu de Daech ? Et si en voulant faire l’ange, nous favorisions inconsciemment les desseins de la bête qui cherche à se débarrasser de toute dissidence ? Nos âmes pures qui s’ouvrent si généreusement à toutes les misères du monde ne sont-elles pas bien malgré elles en accord avec une purification religieuse voulue par l’Etat islamique ? Laurent Fabius, ministre français des Affaires étrangères, l’affirme carrément : « Si tous ces réfugiés viennent en Europe, Daech a gagné la partie. » Est-ce cela que nous voulons ? Un peu de lucidité, que diable ! Pour remédier au danger d’une uniformisation islamiste du Moyen-Orient, deux voies complémentaires sont à suivre : sur place, une lutte sans merci contre Daech passant par l’envoi de troupes au sol et, chez nous, un statut provisoire de réfugié de guerre qui se différencie de celui d’immigré.

Sous l’égide de l’ONU, on a combattu efficacement la purification ethnique dans l’ex-Yougoslavie en plaçant des forces d’intervention sur le territoire. Pourquoi ne pas agir de même en Syrie contre la purification religieuse ? Les bombardements aériens ne suffisent pas à terrasser le monstre d’autant que certains pays, comme la Turquie ou le Qatar, jouent un double jeu, la première en affaiblissant les milices kurdes et le second en soutenant les brigades Al-Nosra proches d’Al-Qaïda. Et dire que nos gouvernements font des courbettes aux potentats du Golfe en leur cédant des fleurons de notre économie et que la FIFA a donné la coupe du monde de football au Qatar, lui offrant une vitrine internationale sans égale. Un scandale. Accueillir les réfugiés, c’est bien mais se mobiliser contre l’impérialisme islamiste, c’est tout aussi bien et sans doute plus probant à long terme.

Terre d’accueil, l’Europe doit le rester. Mais elle ne peut pas absorber des communautés entières sans provoquer de graves déséquilibres propices à la montée en puissance des partis populistes et surtout sans mettre en péril la diversité culturelle du Moyen-Orient, foyer de sa propre civilisation. D’où l’importance cruciale de distinguer les immigrés qui s’implantent durablement et les réfugiés de guerre destinés à retrouver un jour leur terre. Cette politique repose sur un préalable : tout faire pour mettre Daech hors d’état de nuire en instaurant des régimes laïques. Par la force, si nécessaire.

Jacques de Coulon

Paru dans La Liberté du 16 septembre 2015

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